GIORGIO MORANDI


 

Né à Bologne en 1890 d'une famille de la bourgeoisie citadine, Morandi s'inscrit à l'Académie des Beaux Arts de Bologne d'où il sortira diplômé en 1913, alors que ses premiers essais significatifs auront déjà bu le jour. En effet, les "textes fragiles" d'étudiant de l'Académie (Nevicata, Periferia) sont de 1910, mais déjà à partir de l'année suivante Morandi peindra le Paesaggio "miraculeux" et "incroyablement accompli" pour lequel Cesare Brandi parlera de "ciel vaste de solitude sans rivages".
Au cours de l'été 1913, la famile Morandi se rend pour la première fois en vacances à Gerizzana, où le jeune homme a réalisé un groupe de Paysages d'été.
Les amis des années de formation sont Osvaldo Licini, son camarade à l'Académie, Severo Pozzati, Mario Bacchelli (le frère Riccardo en 1918 écrira le premier texte critique en signalant la "révélation" Morandi) et Giacomo Vespignani de Lugo. C'est avec eux que les 21 et 22 mars 1914 l'artiste participera à la célèbre exposition de l'Hôtel Baglioni à la suite de laquelle naîtra à travers Balilla Pratella la relation avec le groupe futuriste, avec qui Morandi exposera au cours de la même année à la Galeria Sprovieri de Rome.
Le futurisme de Morandi est modéré puisque, au même moment, le jeune peintre participe à la deuxième exposition de la Sécession romaine, où les futuristes ne sont pas admis; il s'agit plutôt d'un développement du cézannisme accompagné de la méditation sur l'art de Derain et sur le Cubisme de 1909-1910 de Picasso et de Bracque (Natures mortes de 1914-1915). L'impulsion du jeune peintre à l'expérimentation, à vérifier en lui-même les possibbilités d'image que la culture internationale offre, est forte en ces années-là. Les rappels sont très fréquents, les rapports culturels continus. Ainsi, si pour les Nature morte con oggetti a tortigliono et pour les Fiori de 1915 le rappel à Rousseau est obligé, les articles et les reproductions parus sur le magazine bolonais dirigé par Giuseppe Raimondi, "La Raccolta" (textes de Raimondi sur Carrà "métaphysique"; textes de Savinio et de Chirico, reproductions d'oeuvres de Carrà et de Chirico) seront fondamentaux pour le choix métaphysique au printemps de 1918. Dans les tableaux composés après la seconde moitié de 1918 et lespremiers mois de 1919, la rigueur, la certitude d'une vérité primaire sont absolues, et la synthèse formelle de objets est entièrement accomplie.
La seconde moitié de 1919 est pour Morandi le moment de la redécouverte de l'aspect physique des choses, d'une nature corpulente et dense retrouvée dans le milieu du quotidien. L'artiste se rapproche du groupe "Valeurs Plastiques" et ravaille avec eux, "respirant sagesse à pleins poumons". Ainsi naissent des oeuvres comme Fiori et Natura morta con l'orcio de 1920, où l'on peut percevoir une sorte d'hommage aux modules de l'archaïsme. Morandi participe à une exposition avec le groupe "Valeurs Plastiques" à Berlin, Dresde, Hannover et Munich en 1921 et l'année suivante à la "Fiorentina Primaverile" avec la présentation de Giorgio de Chirico qui suggère pour lui la phrase "métaphysique des choses quotidiennes".
L'artiste, renonçant à l'expérimentation pour approfondir sa propre poésie intérieure, s'achemine sur un parcours où même les variations thématiques et de style resteront internes à un chemin qui ne s 'écarte pas, après la période métaphysique, de la civilisation formelle et de la certitude des valeurs picturales qui sont typiques de son autonome recherche esthétique. Après un moment de subtile inquiétude, remarquée dans les Natures mortes de 1920 à 1922, et après les tensions et les frémissements des tableaux des années 1929-1937, Morandi parvient a un contrôle médité des sentiments, à cette "poésie de la limite" qui sera caractéristique de ses oeuvres.
Alors qu'il participe aux initiatives du groupe de "Novecento" (les deux revues de la Permanente de Milan, organisées par Margherita Sarfatti en 1926 et en 1929, les expositions à l'étranger de 1929-30), Morandi est en contact aussi avec les hommes de "Il Selvaggio" et avec Leo Longanesi : avec Maccari et les Toscans, il participe en 1927 à la IIème Exposition de la gravure moderne à Florence; il est lié avec Longanesi par un long rapport amical et de dialogue culturel.
En 1930, on lui assigne, pour célébrité reconnue, la chaire de professeur de techniques de la gravure à l'Académie des Beaux Arts de Bologne. La même année il est présent à la Biennale de Venise avec quatre eaux-fortes et un carton de gravures. Il retournera deux ans plus tard à Venise avec un Portrait, deux Natures mortes et plusieurs études graphiques. En 1929 et en 1930, il est également présent au Prix Carnegie di Pittsbourgh.
En mars 1932, on consacre à Morandi un dossier entier de "L'Italiano" avec un important écrit de Soffici et les reproductions de nombreuses oeuvre. Ainsi commence cette consécration qui dans les années suivantes sera confirmée par des confirmations critiques qui lui construiront l'image officielle de Morandi, qui ne sera plus mise en discussion pendant des décennies.
C'est environ à partir de 1937 qu ses tableaux deviennent de toujours plus "précieuses gemmes d'art, toujours moins fragments de nature".
La fréquentation de Roberto Longhi contribue à cette concrétisation de certitudes formeles qui trouevra dans les années suivantes des raisons nouvelles de renforcement comme abris contre les chocs et les polémiques d'un monde qui change.
Si ce sont les Paysages de 1943 qui découvrent les blancs magnifiques des maisons touchées du soleil, prélude aux vues de Grizzana des dernières années" (Solmi), c'est dans l'après-guerre et dans els années Cinquante que Morandi se retranche de plus en plus sur des positions de très haute poésie et de détachement des débats de tendance et de situations, soutenu par tout un secteur de la critique italienne - Raimondi, Longhi, Brandi, Gnudi, Ragghianti, Palluchini, Vitali, Arcangeli - qui voit en lui le symbole d'une mesure formelle et poétique devenue enseignement moral contre tout excès des avant-gardes.
Mais les nouvelles générations ne discutent plus Morandi, d'autres voix les fascinent; dans les tableaux des années Soixante la très haute poésie de l'artsite se détache encore plus du monde, se peuplant de spectres de solitude et de mémoire uniques.
Morandi meurt à Bologne en 1964. Les grandes expositions anthologiques, à partir de celle de Bologne de 1966 jusqu'au récent tour européen organisé dans sept musées de la Galerie Communale d'art moderne de Bologne et à la Grande Exposition du Centenaire, ont contribué à faire de mieux en mieux connaître, aux intellectuels et au public italien et étranger, la personnalité de Morandi. La Galerie Claude Bernard a exposé Peintures et Aquarelles en 1992.